Jean-Roger Caussimon

Ma Mère

Jean-Roger Caussimon


Les matins où le jour se lève
Avec mauvaise volonté
Lorsque je m'entonne du thé
Pour me désengluer d'un rêve,
Par ces matins de bouche amère
Où le suicide a des attraits
Sans que j'en puisse voir les traits
Auprès de moi se tient ma mère.

Elle est venue du cimetière
Où l'an mil neuf cent trente-six
Après un bref De Profundis
On l'a couchée dessous la pierre,
Moi qui la croyais feuille morte
L'humus d'où jaillit le printemps,
Voilà qu'après plus de trente ans
Elle a bien su trouver ma porte

Elle me regarde en silence
Sans avoir contour ni linceul,
Je fais bien semblant d'être seul
Mais je me heurte à sa présence,
Je ne suis plus cet enfant sage
Qu'elle avait nourri de son sein
Pourquoi vient-elle ? En quel dessein ?
Et pour me dire quel message ?

Dis-moi, viens-tu chercher mon âme
Ou simplement la surveiller ?
Mes enfants vont se réveiller
Et je dois réveiller ma femme,
Va-t'en maman, le jour va poindre,
Un jour de plus, un jour de moins,
Entre nous soit dit, sans témoin,

Je me prépare à te rejoindre.

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